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Le blog de Vitraulle MBOUNGOU
7 juillet 2006

France : 152 députés portent plainte contre sept groupes de rap

Des rappeurs menacés de poursuites judiciaires pour incitation au racisme « anti-blanc » et à la haine de « la France »
       
lundi 28 novembre 2005


A l’initiative du député français François Grosdidier, une coalition parlementaire de droite a interpellé le ministre de la Justice, Pascal Clément, afin qu’il envisage des poursuites judiciaires contre sept groupes de rap. Le 113, Ministère Amer, Smala, Lunatic, Fabe, Salif et Monsieur R sont accusés d’incitation au racisme « anti-blanc » et à la haine de « la France ». L’annonce de cette nouvelle a suscité une vive réaction des accusés et du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (Mrap).

Par Vitraulle Mboungou

Le député de l’Union pour la majorité présidentielle (UMP, droite) François Grosdidier a remis le 22 novembre dernier six questions écrites au ministre de la Justice, Pascal Clément, pour demander des sanctions judiciaires contre sept groupes de rap. Soutenu par une coalition de 152 députés et 49 sénateurs de droite, il les accuse de faire « le commerce du racisme au lieu de l’antiracisme ». Dans la ligne de mire du député de la Moselle, on trouve des groupes comme le 113, récompensé par deux victoires de la musique en 2000, Ministère Amer et Lunatic, ainsi que les rappeurs Smala, Fabe, Salif et Monsieur R. « Le rap de ces artistes n’est pas un type de musique qui s’adresse à un public averti (...) et qui est en mesure de prendre des messages au deuxième, au troisième ou quatrième degré. Dans les facteurs qui ont conduit aux violences dans les banlieues, cela en fait partie », a affirmé le député.

« Outrage aux bonnes mœurs »

François Grosdidier et un autre député UMP des Pyrénées-Orientales, Daniel Mach, stigmatisent les paroles d’un rappeur en particulier : Monsieur R. Ils ont déposé contre lui, une plainte pour « outrage aux bonnes mœurs » en août dernier. La phrase incriminée : « La France est une garce, n’oublie pas de la baiser jusqu’à l’épuiser, comme une salope il faut la traiter ‘mec’ », phrase extraite de la chanson « FranSSe » de l’album Politikment Incorreckt. Cette plainte sera examinée le 6 février 2006 par le tribunal de Melun. Le rappeur originaire de Combs-la-Ville, en Seine-et-Marne, risque trois ans de prison et 75 000 euros d’amende s’il est prouvé que sa chanson et son clip sont accessibles aux mineurs, a indiqué le président du tribunal lors d’une audience technique. Par ailleurs, Daniel Mach avait déjà déposé, en septembre dernier à l’Assemblée nationale, une proposition de loi visant à « instaurer un délit d’atteinte à la dignité de la France et de l’Etat ».

Concernant la demande de la coalition parlementaire menée par François Grosdidier, le Garde de Sceaux a chargé le procureur général de Paris d’ouvrir une enquête judiciaire. La brigade de la répression de la délinquance sur la personne doit ainsi déterminer s’il y a bien infraction et prescription, car des groupes ou rappeurs incriminés n’existent plus depuis plusieurs années. C’est le cas de Lunatic, dissous en 2002, de Ministère Amer, qui n’a pas sorti d’album depuis une dizaine d’années, et de Fabe, qui a pris sa retraite en tant qu’artiste il y a plus de cinq ans. Mais pour cet élu de la Moselle, « le problème, c’est qu’on peut toujours acheter leur musique en ligne et en magasin ».

Retour de la censure ou...

En réponse aux attaques dont il fait l’objet, Monsieur R évoque le « retour de la censure ». Pour lui, l’initiative de ces parlementaires relève « non seulement de la censure mais du racisme ». Il conteste les accusations de racisme anti-français et l’idée que le rap ait pu avoir une quelque influence dans les récentes violences urbaines. « Je n’accepte pas d’être traité de raciste, on peut avoir une vision critique de la France sans être anti-français ni raciste », a-t-il expliqué aux différents médias qui n’ont cessé de le solliciter depuis le début de cette affaire. « Quand Brassens a des propos très durs contre l’Etat, tout le monde applaudit car il fait partie du patrimoine culturel français. Mais quand ce sont des jeunes colorés, on veut les traîner en justice. Il y a deux poids deux mesures », a-t-il ajouté.

Un autre rappeur visé par cette initiative, Passi, membre du Ministère Amer, s’est également exprimé, accusant l’UMP de vouloir « les voix de Jean-Marie Le Pen (leader du Front National, parti d’extrême droite), au lieu de parler d’amour, d’éducation, de réinsertion, d’ouverture ». « Nous les rappeurs décrivons les maux, les blocages dans les rouages de cette société où les élus ne cessent de faire miroiter justice, fraternité, liberté, équité », a-t-il souligné.

... plainte discriminatoire ?

Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (Mrap) parle aussi de « basse manœuvre politique des élus de l’UMP qui vise à chasser sur les terres électorales de l’extrême droite ». Il a fait savoir dans un communiqué qu’il mettait à disposition de ces députés « des extraits des chansons de différents artistes français dont les textes appellent à la violence, à la sédition, au mépris de l’armée et de la police » afin de les aider dans « leur entreprise de purge culturelle ». Il invite ainsi les internautes à déposer sur son site « des textes litigieux des chansons françaises » susceptibles de faire l’objet de plainte. Il transmettra ensuite ces textes aux parlementaires concernés par la fameuse initiative afin qu’ils demandent également des sanctions judiciaires au même titre que pour les chansons de rap. « Faute d’une plainte immédiate contre les chanteurs indiqués ou d’une demande de retrait de disques concernés sur les rayons des disquaires, le Mrap en conclurait que la plainte contre les rappeurs est de nature discriminatoire et donc raciste, et étudierait alors les conditions d’une action en justice pour plainte discriminatoire et harcèlement au faciès », a conclut le mouvement.

Le Premier ministre Dominique de Villepin a, quant à lui, encouragé les parlementaires à éviter toute forme d’amalgame. « Est-ce que le rap est responsable de la crise des banlieues ? Je réponds non », a-t-il affirmé vendredi dans la matinée.

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